Animée par le COPS, cette table ronde avait pour intention de donner une réalité à la définition de la démocratie en santé avec des expériences de terrain en région. Le site national des Agences Régionales de Santé (ARS) la définit ainsi : « La démocratie en santé est une démarche associant l’ensemble des acteurs du système de santé (usagers, professionnels et décideurs publics) dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation. »
Voici les éléments retenus pendant la préparation de la table ronde :
- Didier Jaffre (Directeur Général ARS Occitanie) a évoqué la construction du Projet Régional de Santé dans notre région, avec des associations et des usagers intégrés dans la réflexion de façon « classique » via la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA), une consultation numérique à grande échelle, et des focus groups dans les 13 départements d’Occitanie, en Conseils Territoriaux de Santé (CTS) élargis (représentant collectivités, parlementaires, représentants Conseil départementaux), sur des thématiques spécifiques. L’agence compte sur ces acteurs de terrain pour mettre en musique et rédiger les programmes d’action sur chaque territoire.
- Laurent Schmitt (Président Conférence régionale de la santé et de l’autonomie Occitanie) a indiqué plusieurs difficultés de la structure institutionnelle de Démocratie en Santé qu’est la CRSA :
- Manque de notoriété
- Liens ambigus avec l’ARS
- Liens non formalisés avec les Conseils Territoriaux de santé, le Conseil National de la Refondation, les structures institutionnelles
Il a noté un hiatus entre la construction du Projet Régional de Santé et non prise en compte de données basiques : par exemple, à aucun moment n’est apparue la difficulté pour citoyen d’avoir un RdV avec un professionnel de santé (10 ou 12 mois de délai).
- André Guinvarch (France Assos Santé Occitanie) a repris la nécessité de faire vivre la Démocratie en Santé à travers les institutions et en dehors des institutions. Les lois ne règlent pas la participation des usagers dans toutes les instances (CPTS, DAC, CLS…). La Démocratie en Santé, c’est aussi des règles à mettre en place en raccrochant l’éthique : se mettre autour de la table, se respecter, s’écouter pour construire des projets.
- Exemple concret : Expérience de SAEDE en pleine crise COVID (ARS/ERE/FAS), pour mettre du lien dans ESMS en particulier EHPAD. Même en situation de crise, La démocratie en santé peut et doit fonctionner !
André Guinvarch a également insisté sur le fait que :
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- FAS portait la voix des associations, à travers une parole structurée.
- FAS formait activement les représentants des usagers, y compris sur l’éthique, ce qui leur donnait les moyens d’agir efficacement dans le système de santé.
- Tess Copin (cadre de santé, IFSI Carcassonne) a approché la démocratie sanitaire en formation initiale des professionnels en IFSI – IFAS : moyens de mise en œuvre, engagement des étudiants dans la mise en œuvre, place pour les partenaires usagers, place des savoirs expérientiels, nécessité d’une compétence éthique partagée, pour mettre en œuvre la Démocratie en Santé au sein des démocraties. Découvrez sa présentation.
- Gilbert Hangard (Adjoint au maire d’Albi, délégué à la santé) a pointé les limites de la Démocratie en Santé institutionnelle (CRSA, CTS, CDU…), pour une Politique de santé impulsée par l’état, dans laquelle usagers et élus interviennent peu. Pour lui, la démocratie doit être représentative ET participative, et les échelons territoriaux sont importants (exemple de la ville d’Albi où les Contrats Locaux de Santé sont faits avec les associations). Pour « parler santé » avec « les invisibles », il a noté l’importance de passer par des pairs. Il a mis en valeur le rôle que la Démocratie en Santé peut jouer dans le domaine de la santé publique, de la prévention. Découvrez sa présentation.
- Jean-Etienne Bazin (ERE Auvergne Rhône Alpes) a estimé que la clé de la démocratie était l’information et la connaissance. Que la démocratie (et l’éducation à la santé) devait s’apprendre dès l’école (exemple : la réanimation en cas d’arrêt cardiaque est apprise au plus jeune âge en Scandinavie). Selon lui, le rôle des Espaces de Réflexion Ethique est de créer des débats, des soirées citoyennes… pour que les personnes soient informées, puissent construire un avis, et ainsi agir. Des conventions citoyennes pourraient s’imager au niveau régional pour prendre des décisions sur la carte sanitaire (exemple pris de la fermeture d’une maternité).
- Cyril Hazif-Thomas (ERE Bretagne) est revenu sur les forces et servitudes de la Démocratie en santé.
- Après avoir préparé la table ronde avec tous ces intervenants, Fabienne Ragain-Gire a estimé que mythe et réalité se côtoyaient sur le terrain dans la démocratie en santé, démarche associant l’ensemble des acteurs du système de santé (usagers, professionnels et décideurs publics) dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation.
Il est nécessaire, et parfois difficile, de faire vivre la Démocratie en Santé à travers les institutions (et faire en sorte que ce qui est réglementé fonctionne !) et en dehors des institutions, avec :
– Une diversité d’acteurs : voix des associations (FAS) avec une parole structurée, et aussi tous les usagers, en particulier les usagers partenaires en santé (patients formateurs, pairs-aidants, voir le guide « usagers partenaires en santé, l’avenir du soin »…)
– Des moyens adaptés : information et connaissance partagée, débats publics, compétence éthique (représentants des usagers et professionnels formés au système de santé et à différents thèmes, dont l’éthique)…N’ayant pas osé l’inviter, Fabienne s’est permis de porter la parole de Madame Schmitt, personne en grande précarité, militante ATD ¼ monde, interrogée pour la préparation de cette table ronde. Verbatims :
c’est quoi la démocratie ? c’est compliqué ! Associer toutes les personnes aux décisions : Ca me fait rire : des gens comme nous, je ne pense pas qu’on serait associés. C’est pas la place qu’on nous donne. On peut dire le ressenti, l’expérience de la vie, les buches qu’on se prend, mais on nous invite pas ! On nous sollicite que quand on a besoin de vote ! On se prend des claques ! Une simple CMU, certains médecins ne prennent pas dans certains endroits, et on ne peut pas avancer les frais et la maladie s’aggrave. Le fait de dire qu’on est à la CMU solidaire est gênant, les autres personnes qui sortent la carte bleue vous regardent de haut. C’est un problème. Les réflexions de certains médecins sont dures à encaisser (un ophtalmo a fait des remontrances à ma fille car elle n’avait pas prévenu qu’elle avait la CMU, « j’en ai marre des gens comme vous »). On dirait qu’ils sont obligés de nous soigner, c’est pas humain, or ils doivent faire leur métier avec le cœur. Une fois je lui ai dit : « Vous avez signé le truc d’hypocrite, vous ne le respectez pas ! ». Il faudrait d’abord respecter les droits acquis pour accéder aux services de santé, améliorer l’accueil quand on nous reçoit en consultation, faire un sourire réconfortant, redonner confiance. Et bien sûr, ce serait bien de participer à des colloques ou réunions ou petits groupes qui se forment pour la santé. Ca serait enrichissant que tout le monde puisse intervenir, avec ses différents regards, chacun a la parole et voit les choses différemment, on verrait les difficultés que les uns et les autres ont, et aussi leurs idées.
Sur ces points clés de respect, écoute, sourire, croisement des regards, importance de donner confiance, on peut conclure que la Santé est un bien commun et l’affaire de tous. La démocratie en santé, et le Partenariat en Santé (qui met l’accent sur le rassemblement de tous les profils et la reconnaissance des savoirs des usagers, et insiste sur la mise en oeuvre concrète sur le terrain, avec co-décision, co-mise en œuvre : penser et agir ENSEMBLE) sont nécessaires pour préserver ou améliorer la Santé avec un grand S (comme société) de chacun, donner du sens à chacun, de la qualité de vie… et aussi de la qualité de vie au travail dans le sanitaire, médico-social et social (soins, accompagnements, santé publique, prévention…). La Partenariat en Santé est une pratique éthique au quotidien, avec comme éléments fondamentaux le lien, le collectif, et le décloisonnement.
Le replay de la table ronde « Démocratie en santé en région : mythe ou réalité ? », est disponible sur le site de l’Espace de Réflexion Ethique Occitanie : https://www.ere-occitanie.org/video/democratie-en-sante-en-region-mythe-ou-realite-colloque-national-des-erer-2023/